jeudi 13 novembre 2014

Management Participatif : une promesse non tenue ou une réalité différente de la promesse




Adapter sa manière de manager à la personne parait être d’une évidence, mais comment ? La mise en pratique s’avère être beaucoup plus facile, à dire qu’à faire.
On peut invoquer le « management participatif » comme une forme de management idéal vers lequel il faudrait tendre dans la mesure où collaborateurs et managers  sont dans une logique de coopération où la confiance existe.
Votre analyse et la stratégie que vous proposée peuvent paraitre adaptées : votre discours est en résonnance avec la volonté de mettre les individus au cœur des préoccupations de l'entreprise.
J’y adhère aussi personnellement, c'est aussi la posture que je vois pour un coach. Mais la question est de savoir comment mettre en œuvre une démarche qui le permette, effectivement. 
Le management « participatif », tel qu’il est pratiqué est-il efficace à ce titre-là ?
Nous avons travaillé ce sujet, au sein de l’Académie de coaching, en partant de centaines d’entretiens et de réunions dans lesquels le manager avait une intention de mettre en œuvre un management dit participatif.
Nous avons fait des analyses très précises des échanges au cours de ces entretiens et réunions, en regardant  spécifiquement de quoi ils étaient constitués. Et nous sommes arrivés à chaque fois au même résultat :
Mis à part quelques situations de réunions de résolution de problèmes très spécifiques orientées très  techniques, ces échanges relevaient plus d’interprétations d’évaluations ou de jugements, de représentations ou d’a priori. Les éléments objectifs, lorsqu’il y en avait, pouvaient être ramenés à des expériences personnelles  ou, venaient renforcer des représentations et des évaluations  induisant des  polarisations d’incompréhension et de tensions …. L’expérience est très simple et je vous invite à la faire, en notant très précisément les différents échanges au cours d’un entretien ou d’une réunion.
Après que chacun ait pu s’exprimer et parce qu’il y a appropriation dans les échanges, nous nous sommes aperçus que les débats se terminaient de trois manières possibles :
·         Soit les analyses convergeaient, l’entretien et la réunion se terminaient rapidement, les décisions prises étaient acceptées par tous : chacun des participants repartant avec la certitude d’avoir été efficace collectivement, mais un champ limité de possibles avait été exploré ;
·         Soit les analyses divergeaient et les participants n’arrivaient pas se mettre d’accord. Les échanges que nous appelons de premier récit (évaluations, a priori, …, que nous avons cités précédemment), faute d’outils adaptés, ne conduisaient à aucun accord puisque le débat engagé était un débat d’idées. Très vite  chacun se repliait sur son opinion. Les échanges devenaient tendus.
Les managers, obligés de prendre des décisions, mais ne pouvant pas tenir compte de toutes les opinions provoquaient le plus souvent soumission, frustration, hostilité d’une partie des participants. Ainsi le participatif produisait  le contraire de ce qui peut être attendu.
·         Soit enfin, dans le cas où l'entreprise privilégiaient la préservation du lien sociale par rapport à la dimension économique, un consensus se faisait  rapidement et sans heurt ni contestation, autour d’une solution proposée par un meneur dans le groupe. On se retrouvait dans une forme de domination  d’une partie du groupe.
Pour sortir de cet état où les décisions sont prises à partir des avis de chacun, il est nécessaire d’utiliser des outils qui permettent l’objectivation des situations. Ces outils nous permettent d’identifier les contraintes et exigences de la réalité de la situation qui s’impose et la décision se prend à partir de l’objectivation de ces contraintes. Nous avons développé de tels outils au sein du laboratoire européen de la décision, et, en tant que coach de l’Académie de coaching, nous les utilisons en permanence chez nos clients.


Je terminerai en illustrant mon propos par le cas d’un salarié avec un gros handicap à l’épaule pour lequel il était recherché un poste adapté: qu'est-ce qui est le plus important à prendre en compte dans la prise de décision ? Les éléments structurants de la situation et leurs fonctions en y associant leurs contraintes, ou l’avis des participants à la décision ? 

lundi 10 novembre 2014

un silence destructeur suite


coaching de la directrice à suivre …
Avec quatre des chefs de service responsables des différents secteurs de son établissement, une réunion est programmée avec pour but d’analyser ce que doit faire la direction dans cette situation pour aider le chef de service en difficulté, les professionnels qui viennent déposer leur  mal être ainsi que l’équipe qui demande son aide. Lors de cette réunion, lorsque la directrice expose ses intentions d’agir, dans un premier temps l’animateur prend en note ses propositions :
« Je vais les rassurer en rappelant le cadre en particulier en rappelant que les consignes de sécurité existent et qu’elles sont écrites.
Je vais leur rappeler que j’ai confiance en leur travail qu’ils font bien, et qu’ils n’ont pas de crainte à avoir car le travail est pas si difficiles qu’ils le pensent car ils en ont les compétences et que nous avons sécurisé leur conditions de travail.
Il suffit simplement qu’ils appliquent scrupuleusement les procédures qui ont été construites avec eux.
Je vais ainsi leur dire qu’il n’y a pas raison à réécrire une consigne qui existe déjà. »
   Dans un deuxième, l’animateur aide à catégoriser chaque proposition selon leur type d’action qui agissent sur les auditeurs toute en faisant découvrir les réactions possibles des interlocuteurs.
Dans le cas présent :
·        Je vais les rassurer est une intention qui interprète que les salariés ont besoin d’une réassurance sans avoir analyser les réels besoins sous-jacents à leur mal-être.
·        rappeler le cadre en rappelant que les consignes de sécurité existent et qu’elles sont écrites :  est un moyen qui stimule une mémoire de ce qu’ils savent. Ce moyen ne peut pas atteindre l’objectif de réassurance puisque rappeler ce qui est connu n’a aucune valeur ajoutée relativement à la cause de ce mal-être. Il a pour effet au minimum d’agacer ceux qui reçoivent cette affirmation, elle ranime la représentation d’une méconnaissance des causes du mal-être et envoie une évaluation de leur incompétence à utiliser ce qui existe. L’effet est une position de mise en résistance opposée à l’objectif recherché.
·        Je vais leur rappeler que j’ai confiance en leur travail qu’ils font bien,  est un moyen qui contredit ce qui vient d’être énoncé par le moyen précédent, il renforce le sentiment d’inconséquence du manager qui dit ce qu’il ne fait pas.

·        et qu’ils n’ont pas de crainte à avoir car le travail est pas si difficiles qu’ils le pensent car ils en ont les compétences et que nous avons sécurisé leur conditions de travail : est un moyen dont l’intention est de diminuer la représentation de la difficulté mais qui nie leur sentiment que le travail est difficile. En affirmant sa facilité, le manager nie la parole des collaborateurs et crée ou renforce ainsi le sentiment de ne pas être pris en compte.
·        Il suffit simplement d’applique scrupuleusement les procédures qui ont été construites avec eux. Les deux adverbes simplement et scrupuleusement sont des actions d’évaluation qui signifient que le travail n’a pas été fait correctement. Cette évaluation contredit les intentions de renforcement des compétences par l’évaluation de confiance énoncées. Ces dévaluations produisent une mise en défense avec une atteinte à l’identité professionnelle. Elles créent un ʺconflit de défense identitaireʺ Michit Comon conflit comprendre pour agir, Ed chronique sociale .
·        Je vais ainsi leur dire qu’il n’y a pas raison à réécrire une consigne qui existe déjà. Cette finale correspond à un refus d’accéder à une demande et évalue leur capacité à bien penser la réalité. La réaction  ne peut être qu’une justification et l’engagement dans une discussion encercle vicieux de justifications répétées en boucles.

Dans un troisième temps, l’animateur aide à construire un autre type d’actions permettant d’éviter les réactions indésirables.
Dans ce temps il fait découvrir que les facteurs de leur mécontentement ne sont pas connus de la directrice et donc qu’elle a tout intérêt à leur demander à expliciter ce qui s’est passé en montrant les actions de chacun et de trouver les causes réelles du mécontentement et de l’insécurité vécues au-delà des connaissances des procédures de sécurité écrites afin de leur faire découvrir et non de leur dire qu’écrire une nouvelle procédure ne sert à rien.

coaching du chef de service
        Dans la réunion, en reprenant le moment de l’action où le chef de service a posé un temps de silence, l’animateur fait découvrir la décision posée et ses effets sur les autres et sur lui-même.
On découvre que cette décision était une réaction à l’idée qu’il se faisait de l’intention incertaine de son interlocutrice «  était-elle en train de poser une question come une attaque afin de mettre son chef de service au défi comme elle en avait l’habitude, ou bien était-ce une vraie question. Ce temps de réflexion a laissé un espace-temps sans action qui a été insupportable à sa proche collaboratrice qui n’a pas pu retenir son angoisse tout comme ce silence a produit sur l’équipe un espace d’incertitude renforçant la représentation du groupe relative à l’incapacité du chef à diriger.
Percevant cela, il a été possible de faire l’analyse de tout ce qui s’est passé juste avant le silence afin de trouver la manière de faire une prochaine fois.

Par le questionnement concernant ce que le chef de service a pris en compte juste avant le silence, il découvre qu’en entendant la question, il fait référence aux attitudes précédentes de la professionnelle, il se polarise sur l’évaluation de son attitude et il priorise sa protection pour éviter de se mettre en danger. Il ne perçoit pas l’ensemble du groupe ni le risque qu’il leur fait courir en réfléchissant. Il ne distingue pas non plus le risque qu’il court pour lui-même et sa représentation de non soutien par une démarche de directive qu’il doit leur donner. Sa volonté de faire un management participatif l’a conduit à demander à son équipe de participer à la construction des stratégies d’action, à l’ajustement de l’organisation et à la création des procédures et il ne s’est pas aperçu que ce management n’était pas adapté et déconstruisait son image de chef qui doit rassurer en donnant des directives claires. Il s’agit pour lui de réapprendre un management qui ne soit pas directif ni participatif.

lundi 3 novembre 2014

Un silence destructeur


A la fin de son service, une employée quitte son poste alors qu’un malade commence une crise d’épilepsie, sans en avertir le cadre d’astreinte. Elle ne respecte pas une des procédures de sécurité qui demande d’appeler l’astreinte en situation de danger.
La situation est reprise en réunion d’équipe, car celle-ci demande d’écrire une procédure. De toute évidence, la demande de l’équipe n’a pas de sens car la procédure écrite existe déjà. La demande relève donc d’une autre problématique qu’il s’agirait d’élucider durant la réunion.
Le chef de service commence la réunion en demandant de décrire avec précision les circonstances et les faits. La professionnelle concernée raconte les évéments :
·        c’était l’heure de fin de mon service, vous (chef de service) vous n’étiez pas arrivé, je vois que ce patient initie une crise que nous connaissons tous. Je suppose que vous allez arriver, je m’assure que le patient ne peut pas se faire mal, et je quitte le service.
-        Vous le laissez seul.
·        oui car je pense que vous devez arriver
-        comment vous saviez que je n’aurais pas un retard conséquent ?
·        si vous étiez en retard vous m’aurez appelé …et sinon  qu’est-ce que j’aurais dû faire ?
Elle finit sa réponse sur un ton assez agressif. Le chef de service laisse un temps de silence de quelques secondes.
Durant ce temps de silence, son assistante ne supportant pas le silence, s’adresse à la professionnelle et lui énonce la procédure :
= Il suffisait comme c’est écrit que tu appelles le cadre d’astreinte pour que lui te dise ce que tu dois faire.
Une collègue administrative renchérit : en plus la procédure est claire, je ne vois pas pourquoi on se réunit pour écrire une procédure qui est déjà écrite, elle est claire et simple.
Dans ce temps d’échange le corps des soignants et aides-soignants vient au secours de leur collègue.
Oui mais la question est notre inconfort au travail,
on est seul et on ne sait pas toujours ce qui est juste,
 moi je la comprends, elle savait qu’il n’y aurait pas beaucoup de temps durant lequel il serait seul car le chef de service devait arriver, je ne vois pas où est le problème par rapport à X on le connaît bien, mais par contre on fait toujours mal quoiqu’on fasse on se fait reprendre, en effet qu’est-ce qu’elle aurait dû faire ?
C’est facile de critiquer après coup, en plus avec le chef on ne sait jamais ce qui est bien de faire et même là il reste en silence. Il ne nous donne pas la marche à suivre, on lui pose une question et il reste en silence.
Oui c’est pas un chef qu’on a… avec le précédent on ne serait pas dans cette incertitude. Au moins lui était clair et il savait donner des directives.
A ce moment-là le chef de service reprend la parole, en disant que
la réunion avait été provoquée dans le but de vérifier si la procédure était adaptée à la situation. Les événements montrent qu’elle est adaptée qu’il n’y a pas besoin de produire un autre écrit  et que la décision de la professionnelle même si elle était en limite il suffisait qu’elle prenne conscience qu’elle aurait dû appeler l’astreinte sans se fier à l’habitude de son arrivée à l’heure.
  Le résultat de la rencontre remonte à la direction par le biais de plusieurs demandes de démission pour quitter cette équipe avec comme raison le reproche que le chef de service n’écoute ses collaborateurs et surtout qu’il n’a aucune faculté à rassurer les équipes. Il laisse dans une incertitude qui génère une ambiance stressante insupportable.

Ø  la directrice voulait rencontrer les équipes dans le but de reprendre la situation de travail en rappelant les objectifs du service, en précisant en effet les procédures qui bornent et cadrent les moments difficiles. Son objectif étant de rappeler le cadre et de dire qu’elle faisait confiance aux équipes à cause de leur professionnalisme. Elle voulait rajouter que la situation de travail ne présentait pas autant de dangers que ceux qu’ils supposaient.
Ø  A la suite de la réunion, le chef de service était très atteint, il pensait que la question ne relevait pas d’un rappel du cadre et des conditions de travail bien organisées mais plutôt d’une dérive des compétences des professionnels qui se trouvaient confrontés à des pathologies plus inquiétantes pour eux. C’est pour cela qu’ils étaient en état de stress précisément à cause de ce manque de compétence mais ils ne voulaient pas reconnaître. Le chef de service disait alors ne pas savoir comment faire et il termine la rencontre avec sa directrice sur la question semblable à celle de sa collaboratrice : qu’est-ce que j’aurais dû faire ?
Ø  la réponse de sa directrice ne le satisfait pas du tout et le laisse dans une incertitude insupportable car il n’a pas de réponse concernant la manière d’animer et de conduire son équipe lors d’un épisode semblable.    
La suite dans une semaine